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auteurMis en ligne par Ignace de Witte le 4 décembre 2014

Adil Ouriaghli, DG de Total Réunion de 2013 à 2015

De l’énergie à revendre

Le sujet des carburants est très sensible à La Réunion, pour ne pas dire explosif, et c’est toujours la croix et la bannière pour obtenir des informations fiables, même la Préfecture et l’Observatoire des prix et des marges reconnaissent avoir des difficultés. Aussi, nous pouvons nous considérer comme des privilégiés d’avoir pu poser quelques questions au président de Total Réunion et surtout, d’avoir obtenu des réponses ! Total fête cette année ses 60 ans à La Réunion.

Adil Ouriaghli n’est pas à proprement parler un pétrolier, il est à la base expert-comptable et a débuté sa carrière en 1991, au sein du prestigieux cabinet Price Waterhouse, en tant que consultant senior en Audit et Finance. Il a ensuite travaillé dans plusieurs entreprises, mais toujours dans le domaine financier et la gestion. Ce n’est qu’en 2002 qu’il a intégré Total (qui était un des ses clients précédemment), en tant que DAF (Directeur Administratif et Financier) de Total Maroc. Il a occupé ce poste jusqu’en 2009, date à laquelle il est passé chargé d’Affaires dans le département Stratégie de la direction Afrique/Moyen-Orient (AMO) de la branche Raffinage & Marketing du Groupe, au siège de Total à Paris. Il a ainsi pu croiser à plusieurs reprises Christophe de Margerie, le grand patron de Total qui est disparu tragiquement dans un accident d’avion à Moscou au mois d’octobre dernier. Parmi les dossiers qu’Adil Ouriaghli a eu à gérer à ce poste à Paris figure le rachat d’une entité en Egypte, un dossier où sa maîtrise de la langue arabe a été déterminante (contrat rédigé en arabe).

Depuis un peu plus d’un an (septembre 2013), Adil Ouriaghli, âgé de 45 ans, est président de Total Réunion et directeur général de la Société d’Entreposage de la Réunion (SRE). Il a été choisi pour occuper ce poste en fonction de ses sensibilités et de ses compétences: «On a jugé que j’avais le profil. Je connaissais un peu La Réunion pour y être venu un an auparavant, dans le cadre de mon travail. Et puis, j’ai un lien historique avec cette île: je suis originaire du même village qu’Abdelkrim !» Pour rappel Abdelkrim est un résistant marocain en exil à La Réunion de 1926 à 1947.

Singapour ne vend pas de carburant mais dispose de raffineries et assure cette prestation de service pour le compte de grands groupes pétroliers. Photo © DR

Ce qui lui plaît dans ses nouvelles fonctions, c’est que grâce au mode de management de Total, qui fonctionne par pays et non pas par métier, il dispose d’une véritable autonomie de décision et gère en direct toute l’activité. Et de nous rappeler les grandes lignes de la structure d’approvisionnement en carburant de notre île depuis le début de cette année: la rotation régulière du Tamarin, tanker de 35.000 m3 qui était loué à l’année, est supprimée et remplacée par des bateaux «spots», à raison de 15 ou 16 par an. La Réunion étant un tout petit marché, il est plus rentable de grouper les commandes des quatre compagnies pétrolières présentes sur l’île et ainsi faire venir un tanker de 35.000 m3 au lieu de quatre petits tankers de 8000 m3.

Lorsque le bassin du port Est sera dragué pour permettre d’accueillir des navires à plus fort tirant d’eau comme il est prévu dans le projet d’agrandissement, peut-être que La Réunion pourra faire venir des tankers plus gros, de 60.000 m3, mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour. La logistique de l’approvisionnement est gérée par le CIH (Comité des importateurs d’hydrocarbures). Adil Ouriaghli nous confirme qu’il n’existe aucune facture d’une raffinerie singapourienne qui livre du carburant à un quelconque client à La Réunion: tout se négocie au niveau des sièges sociaux des différentes compagnies pétrolières (à Paris, Londres, etc.) qui lancent des appels d’offres internationaux et concluent des contrats avec des traders (basés à Kuala-Lumpur, etc.) Les sièges des compagnies pétrolières refacturent ensuite le carburant à leur filiale de la Réunion.

Un fonctionnement complexe, pour ne pas dire opaque

Ce fonctionnement complexe fait que l’on se retrouve dans une situation assez étrange: le préfet de La Réunion doit, chaque mois, fixer le prix de vente d’un produit dont il ne connaît absolument pas le prix d’achat réel ! Voilà en ce qui concerne le prix: cela confirme ce que l’on savait déjà.

En ce qui concerne la qualité des produits importés, qui doivent impérativement répondre aux normes européennes, Adil Ouriaghli nous explique qu’un échantillon de carburant est prélevé à l’arrivée de chaque cargaison et envoyé pour analyse en métropole, ce qu’il est facile de vérifier auprès des compagnies aériennes (car un échantillon de carburant destiné à analyse voyage selon un protocole très strict).

Questionné plus en détail à ce sujet, le patron de Total Réunion explique que, comme une analyse est également effectuée au départ du tanker et qu’il y a peu de chance que le carburant soit frelaté en haute mer, la cargaison est déchargée et entreposés dans les cuves de la SRPP dès l’arrivée du tanker, avant donc que l’on connaisse le résultat de l’analyse réalisée en métropole. Cela pose quand même un petit problème: si jamais une cargaison était non conforme, comme le carburant a déjà été mélangée dans les cuves, c’est tout le stock qui risque d’être inutilisable ? Adil Ouriaghli nous rassure: comme le stock représente entre 70 et 80 jours de consommation, le carburant, si jamais il s’avérait non conforme, ne serait pas encore sorti du dépôt et livré dans les stations-service et chez les professionnels. Ouf: le scénario catastrophe d’un avion qui décollerait de Gillot avec un carburant non conforme n’est donc pas envisageable !

Aucune coopération entre les îles de l’océan Indien

À ce propos, le président de Total Réunion aborde un cas intéressant: à Madagascar, le carburant automobile n’est absolument pas aux normes européennes, ni aux Comores. Par contre, le carburant avion disponible aux aéroports d’Ivato et Moroni est parfaitement aux normes, car sinon, les avions n’accepteraient pas de refueler, pour des raisons d’assurance. Il existe donc déjà une harmonie au niveau d’un type de carburant (jet A1) entre toutes les îles de l’océan Indien. Cela prouve bien qu’il serait possible de mettre en place un approvisionnement commun aux îles de l’océan Indien en ce qui concerne le carburant, pour peu qu’une volonté politique se dessine, au sein de par exemple la Commission de l’Océan Indien.

Mais au fait : est ce que cela ne pourrait pas être un projet engagé par une grande compagnie pétrolière comme Total, présente dans 130 pays à travers le monde ? Hélas, il semble que la stratégie de Total en Afrique se concentre sur le golfe de Guinée pour l’Afrique de l’Ouest et le canal de Mozambique pour l’Afrique de l’Est (Mozambique ou Tanzanie), les îles de l’océan Indien ne sont pas un marché suffisamment important.

Quant aux bénéfices de Total à La Réunion, Adil Ouriaghli ne peut évidemment pas nous répondre de façon très précise (même si en tant qu’expert-comptable de formation, c’est un domaine qu’il maîtrise parfaitement). Mais il peut nous communiquer certaines informations intéressantes: le chiffre d’affaires de Total à La Réunion s’élève à 280 millions d’euros, une somme qui parait importante mais dont il faut savoir qu’elle comprend beaucoup de taxes prélevées pour le compte de La Région et de l’état (il y a 70% de taxes sur le SP95, 40% de taxes sur le Diesel mais zéro taxes sur le carburéacteur): «Bottom line, on doit gagner 1,5 centime par litre. Et la rentabilité des capitaux investis (en anglais Return On Capital Employed, ou ROCE) est inférieure à 10%».

Cela n’empêche pas Total, qui fête cette année ses 60 ans de présence à La Réunion, de continuer à investir localement et de par exemple rénover l’ensemble de ses 34 stations-service (25 en 2014 et 9 début 2015) et les mêmes aux nouvelles couleurs de la marque. La société a également conscience de sa responsabilité sociétale, Adil Ouriaghli est pour le maintien des pompistes dans les stations-service (400 chez Total), cela fait partie intégrante du service (même si cela représente une charge salariale) et Total recrute en ce moment deux «young graduate» (école de commerce, finance, technique, logistique, sécurité, etc.) réunionnais et leur propose une carrière internationale chez Total (contactez à ce sujet la direction).

Le carburant moins cher, c’est possible

Le prix fixé par la Préfecture est un prix MAXIMUM, ce qui veut dire que les stations-service peuvent vendre le carburant moins cher, et c’est ce que certaines font. Cela prend deux formes: tout d’abord, Total a mis en place un système de paiement par carte privative, une solution appréciée par certaines entreprises qui ont des salariés sur la route et qui peuvent ainsi gérer de façon simple, précise et personnalisé le poste carburant. Cette carte ne fonctionne que dans les stations-service Total et cette «fidélité» est récompensée par une petite ristourne dont le montant est un sujet sensible: «Ce n’est pas quelques centimes, c’est beaucoup moins» explique Adil Ouriaghli. En tous cas, même 1/2 centime pour un gros transporteur qui consomme 200.000 litres par mois, c’est 1000 euros par mois qui sont toujours bons à prendre.

L’autre façon de payer son carburant moins cher, c’est de passer par la station-service «pro» qui va être installée à la zac 2000 (en contrebas de celle existante), une station-service exclusivement dédiée aux professionnels de la route et qui servira notamment aux camions du chantier de la nouvelle route du littoral.

 # carburant 

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